Il était
une fois, dans un pays fort fort lointain , un écrivain qui publiait son
premier roman. Déjouant les pièges de la sorcière Edition, il poussa son enfant
vers la gloire de l’impression tout en terrassant la grande méchante meute de
loups constituant le comité de lecture. Son livre vécut sans doute heureux car
on dit qu’il en publia d’autres depuis lors.
Avec une
couverture aussi aguicheuse, bien que d’aucun dirait suggestive pour préserver
l’honneur de la dame, et un pareil titre,on aurait pu penser que Loup, y es-tu ? était un roman érotique ou au mieux à l’eau de rose. Il n’en est rien. Ouf, ami
lecteur, il ne sera pas dit que mon blog t’aura dévergondé avant l’heure !
L’auteur
est venu au roman sur le tard. Biologiste, il était également passionnée de
littérature. Et c’est en 2010 que sort la première édition de ce roman ( cette
critique arrive avec la version poche ) quand l’auteur a 42 ans. Être passionné
ne veut pas dire que l’on saura mener à bien la rédaction d’une telle chose.
Mais, pour un premier roman, cela se tient encore bien. Même si les défauts
sont quand même bien présents.
Mais
justement, ce roman, que nous conte-t-il ?
Les Fables…euh, les personnages de contes de fées existent et ils vivent
parmi nous. Durant des siècles, la belle)mère sorcière de Blanche-Neige et Le
Loup ont œuvré dans l’ombre, participé aux pires carnages et exactions. Ils
étaient là quand les Nazis ont pratiqué le meurtre de masse, là quand les Twin
Towers sont tombées. Et ils comptent bien rester présents encore un bon moment !
Une seule chose leur barre la route : Cendrillon,Blanche-Neige,La Belle au
bois dormant et le petit chaperon rouge. Deux d’entre elles sont déjà mortes et
les deux dernières ignorent leur condition d’être exceptionnel et immortel. Et
le temps presse de se souvenir car on a retrouvé leurs traces.
Les contes
de fées revisités semblent avoir le vent en poupe depuis que le premier comic
book sur Fables est paru outre-Atlantique. L’échec de l’adaptation de cette
série en série télévisuelle a donné naissance à Once Upon a Time et Grimm.
Courtade vogue donc sur un schéma et un terrain déjà défrichés ! On aurait
pu donc penser qu’il ne tomberait pas dans certains pièges comme : la coïncidence
beaucoup trop heureuse (je sais que nous sommes dans un conte , mais quand même
), les dialogues tout sauf sonnant juste quand il s’agit d’aborder des sujets
sensibles ou graves ( devoir de mémoire, idéologie nazie, capitalistes tous
avides de sang évidemment ,etc…) et la naïveté de l’auteur quand il s’agit de
mixer les histoires pour s’endormir avec l’Histoire tout court.
Car , au
court du roman, certaines choses sont écrites qui frôlent au mieux la vision
bien-pensante des bobos parisiens (ou autres, je ne suis pas sectaire) , au
pire une méconnaissance crasse de l’histoire. Sa conception de la prise de l’Autriche
par l’Allemagne est erronée ( non, ils ne furent pas vraiment contents qu’on
vienne les emmerder : même langue ne veut pas dire même culture, il suffit
de regarder les français et les belges qui ont pas mal de bases en commun mais
aussi des différences bien marquées. Mais dans son esprit on a l’impression que
« Tous Germains ? Tous coupables ! Sans distinction » Et
il dédie pourtant son livre à certains résistants allemands. Schizophrénie d’écriture ?
Écrivain dépassé par son sujet ?
Possible.).
Et sa vision de la traque israélienne des anciens nazis fait rire
(il a du louper le procès Eichmann : une fois trouvé, ils ne l’ont pas
rendu à l’Allemagne pour lui faire subir une justice allemande. Courtade semble
penser qu’ils jouent le jeu en suivant le droit international. Aurait-on peur
de se voir traité d’antisémite juste parce qu’on tape sur Israël ?
Spielberg l’a fait et personne n’aurait osé, fallait emprunter la porte ouverte ! )
On a aussi droit à une vision de l’Amérique profonde, de ses familles issues de
fermiers et qui , de fait, possèdent de plus jolies valeurs (ce qui ne les
empêchent pas de peu apprécier les étrangers à leur communauté et à se balader
avec des semi-automatique pour protéger leur forêt face…face à quoi ? L’envahisseur
anglais ? )
Bon, ce
sont ces détails qui m’on fait tiquer, et grandement j’en conviens. Reste que
malgré quelques facilités (comme de voir les deux héroïnes devenir les
meilleures amies du monde en 3 jours ), le roman est mené tambour battant , que
la relecture des contes classiques est souvent bien vue. L’auteur y apporte de
menus changements pour servir son histoire sans vraiment trahir ce que Walt
Disney nous racontait. Mieux ,de la vision de Disney, il glisse des éléments
que seuls certaines personnes vraiment intéressées par le sujet connaissent :
ainsi, il garde uniquement 7 nains mais n’oublie pas de leur donner leur nom en
Allemand, la pantoufle de verre de Cendrillon (re)devient la pantoufle de vair que
l’homonymie et le temps ont transformé,etc…de ce point de vue là, c’est un
succès.
L’alternance
des chapitres et des points de vue est bien agencé. On pourrait presque parler
de montage comme en cinéma, en plaçant là un chapitre revisitant un conte, là
un autre situé au même moment qu’un chapitre précédent. Cet agencement est fait
avec talent. Le mélange des genres aussi est bien orchestré : thriller,
espionnage, horreur, conte de fée forment un cocktail bien réalisé bien que
manquant de saveur pour qui a lu la série Fables.
Au final,
le roman n’est pas honteux mais claudique beaucoup par moments. On est loin,
par exemple, d’un Neil Gaiman revoyant ses mythologies avec American Gods ou
Anansi Boys. Ce qui ne signifie pas que seuls les anglo-saxons savent le faire :
Végas Mytho , lui aussi généreux en mythologie, était écrit par un français !
Je ne
recommande donc pas vivement Loup, y es-tu ? mais ne le déconseille pas non plus. Si
vous avez un peu de temps à perdre, il sera un bon moyen de vivre ce moment. Si vous cherchez à
vraiment en prendre plein les gencives, passez votre chemin et préférez lui
Fables , qui elle-même possède un roman dans sa matière littéraire !