Dans La
famille Scott, c'est toujours de Ridley dont on parle et que l'on porte aux
nues. Le décès prématuré de son frère cadet, Tony, qui s'est donné la mort hier
à Los Angeles, est une malheureuse occasion de revenir sur la carrière
artistique d'un réalisateur bien plus intéressant que ce qu'on essaye souvent
de nous faire avaler.
Atteint d'une tumeur au cerveau inopérable, Scott a
préféré partir comme il l'entendait et non pas parce qu'il " ne supportait
pas la comparaison avec son grand-frère" comme une certaine presse
française l'a insinué, ah ça quand il s'agit de chier sur les morts, la presse
fait fort, je pensais avoir tout lu avec la tuerie d'Aurora, comme quoi bravo
les connards, vous arrivez encore à me surprendre !
Il y a deux
façons de faire : soit je me refais toute sa filmo et je n'écris rien avant le
mois de décembre, soit je me base sur mes souvenirs et mes ressentis. J'ai
privilégié la seconde option.Et je n'encenserai pas son œuvre sous-prétexte
qu'il est bien vu de ne dire que du bien d'un mort. Tous les réalisateurs ont
eu des ratés (même Steven Spielberg, avec Hook, par exemple ou encore
Christopher Nolan dont le Insomnia provoquerait presque chez moi l'inverse de
son titre !Le premier qui dit que je leur voue un culte sans esprit critique peut aller se rhabiller et fissa !)
À dire
vrai, je ne sais plus qui j'ai découvert en premier, Tony ou Ridley Scott.
Depuis que je suis tout petit je baigne dans un environnement propice à la
cinéphilie (mes parents m'on emmené au cinéma la première fois pour mon 3me
anniversaire et j'ai découvert Star Wars à 7 ans ). L'ordre de découverte est
sans importance aucune.
Tony Scott
a, comme son frère, commencé sa carrière dans la publicité. Une des meilleures
écoles d'après ceux qui ont fait leurs armes dans ce domaine. Il travaille
d'ailleurs sur quelques courts de son grand-frère, celui-là même qui le
poussera à passer pleinement derrière la caméra et qui produira son premier
film : Les prédateurs, en 1983.
Produit de
son époque, les années 80, Les Prédateurs possède une imagerie déjà obsolète
vers la fin de la décennie mais le film reste intéressant à plus d'un titre.
Déjà il permet une affiche intrigante en réunissant Catherine Deneuve, David
Bowie et Susan Sarandon ! Ensuite, il renouvelle le genre du vampire au cinéma
: le couple Deneuve-Bowie va marquer durablement l'esthétique du couple
prédateur aristo mais hyper-intégré dans le monde dans lequel il vit. Le
vampire est présenté comme aussi mortellement dangereux que rempli de
mélancolie et de chagrin, états provoqués par son immortalité relative. En
effet, si le personnage de Miriam( Deneuve) est vieux de plusieurs millénaires,
ses compagnons ont une durée de vie longue mais limitée et au bout de X siècles
se mettent à vieillir irrémédiablement. Miriam se lance alors en quête d'un(e)
nouvel(le) amant(e) pour satisfaire son besoin d'aimer (et alimenter ses
remords d'abonner, encore une fois, un de ses enfants de la nuit). Le film
offre aussi une scène d'amour lesbien entre Deneuve et Sarandon,scène qui
hantera longtemps mes nuits adolescentes. 10 ans plus tard, Coppola collera une
histoire d'amour tragique totalement absente du roman dans son Dracula,
coïncidence ? Je ne crois pas ! Scott ouvrait la voie au nouveau vampire avant
que Twilight et ses endives ne viennent violer le mythe dans des récits mièvres
et consensuels (plus cons que sensuels d'ailleurs ! ).
Le reste de
sa carrière ? Elle va façonner Hollywood comme vous ne l'imaginez même pas !
En 86, il
est approché pour réaliser Top Gun et Le Flic de Beverly Hills 2 . Si le succès
de Top Gun est largement surfait ,il aura le mérite de lancer Tom Cruise de
plein pied dans le milieu des films à grand budget ( et de donner envie aux
jeunes hommes de se lancer à l'assaut de leurs profs féminines de 15 ans leurs
ainées ), le peu d'aura du Flic de Beverly Hills 2 est incompréhensible ! Non
seulement il tire d'Eddy Murphy un jeu qui allie autant son côté comique que
son côté dramatique (en faisant une sorte de Bruce Willis black, rien que ça !)
mais Tony Scott emballe des scènes d'actions époustouflantes et d'une précision
chirurgicale, explosant les standards de l'époque ! Et le cinéma et le public
de ne retenir que Die Hard (Piège de Crystal ) et L'arme Fatale 1 et 2 (tous
aussi méritants, attention, je ne crache pas dessus du tout ! ) !
En 1990
sort Revenge, film plus personnel dont les codes se retrouveront souvent dans
le cinéma de Tony Scott. Mais lisez plutôt : Kevin Costner y joue le rôle d'un
ancien de la Marine qui se rend chez un vieil ami incarné par Anthony Quinn
(excusez du peu ) . Ce dernier est quelqu'un de très important et d'assez cruel
( ah il sait choisir ses potes le Kevin ) qui est marié à une femme bien plus jeune
et interprétée par Madeleine Stowe (encore une actrice qui n'a pas eu la
carrière qu'elle méritait).
Bien entendu, nos deux jeunes gens décident de "danser le sirtaki " dans le dos de Zorba le Grec !
Je vous ai dit qu'il était cruel ?
Il sépare le couple illégitime, laisse Danse avec les loups pour mort et vend son épouse à un bordel Mexicain. L'ancien de la Marine va remonter un à un tous les échelons de l'échelle mise en place par son ancien ami pour retrouver la femme de sa vie. Le titre et le synopsis laisse présager d'un film digne de la série "Un justicier dans la ville " où l'auto-justice est reine. Et bien non, car le drame habite les acteurs jusqu'au bout. Un "western moderne" méconnu, il mérite d'être redécouvert (ça fait un bail que je ne l'ai plus vu, ma mère avait la VHS à la maison, c'est vous dire comme ça remonte quand même. Mais ça m'avait vachement pris aux tripes. ) !
Et donc, cette histoire d'un homme qui recherche à sauver quelqu'un, quitte à flinguer le monde entier, on le retrouvera souvent chez Scott et quasi tout le temps incarné par Denzel Washington , mais c'est une autre histoire !
Bien entendu, nos deux jeunes gens décident de "danser le sirtaki " dans le dos de Zorba le Grec !
Je vous ai dit qu'il était cruel ?
Il sépare le couple illégitime, laisse Danse avec les loups pour mort et vend son épouse à un bordel Mexicain. L'ancien de la Marine va remonter un à un tous les échelons de l'échelle mise en place par son ancien ami pour retrouver la femme de sa vie. Le titre et le synopsis laisse présager d'un film digne de la série "Un justicier dans la ville " où l'auto-justice est reine. Et bien non, car le drame habite les acteurs jusqu'au bout. Un "western moderne" méconnu, il mérite d'être redécouvert (ça fait un bail que je ne l'ai plus vu, ma mère avait la VHS à la maison, c'est vous dire comme ça remonte quand même. Mais ça m'avait vachement pris aux tripes. ) !
Et donc, cette histoire d'un homme qui recherche à sauver quelqu'un, quitte à flinguer le monde entier, on le retrouvera souvent chez Scott et quasi tout le temps incarné par Denzel Washington , mais c'est une autre histoire !
Peu après, Scott
retrouve Tom Cruise pour ce qui ressemble à un simple remake de Top Gun avec
des voitures : Jour de tonnerre ! Si il y a certains points communs évidents,
il serait malhonnête de prétendre qu'il n'apporte rien. Primo, le film conforte
Tom Cruise en star de films à gros budget et assoit un peu plus le pouvoir de
la star qui va pouvoir commencer à choisir avec qui il veut tourner. Deuxio ,
Tony se laisse souffler par Ridley que le compositeur parfait pour ce film est
un certain Hans Zimmer avec qui Ridley a bouclé Black Rain peu avant ! Si la
composition de Zimmer est plus que correcte, elle a surtout le mérite de le
mettre en contact avec le producteur du film : Jerry Bruckheimer ! Ce dernier ,
depuis lors, fait appel à Zimmer ou son studio pour 99% de ses films. Sans Tony
Scott, Hans Zimmer ne serait pas là où il est aujourd'hui ! Et puis le film est
une tuerie du point de vue filmique, chaque course étant d'une limpidité sans
pareille pour le spectateur ! Alors certes, ce n'est pas du Kubrick, mais on
s'en fout pendant 2h !
Le dernier
Samaritain vaut surtout pour son côté Arme Fatale du pauvre (encore que).
Logique, le scénariste est celui des deux premiers opus des aventures de Riggs
et Murtaugh. Et la gouaille de Bruce Willis auréolé du succès des Die Hard rend
l'ensemble sympa (mais pas indispensable).
C'est en
1993 que Tony Scott va marquer (encore une fois, dans l'ombre) l'histoire du
ciné moderne. Un petit jeune, employé dans un vidéo-club, arrive à vendre un
scénar monstre, capable de fournir un film de 6h, facile. Ce gamin, c'est
Quentin Tarantino ! Scott adapte la première partie du script et en tire True
Romance, un film de gangsters allumés ( Tarantinesques quoi) mais surtout une
histoire d'amour entre deux personnes qui en avaient bien besoin. Quand on sait
que la seconde partie du scénar est devenue Tueurs Nés réalisé par Oliver
Stone, on regarde soudain ce "gentil" couple d'un autre œil ! Là
encore, Scott met Zimmer aux violons ! Mais, devenu ami avec Tarantino,Scott
pousse pour que le téléfilm de luxe que le petit Quentin a réalisé se retrouve
dans les salles de ciné ! Reservoir Dogs sort dans les salles. Quentin
Tarantino est lancé et gagnera la Palme d'Or à Cannes dès son film suivant :
Pulp Fiction !
Les années
90 sont rythmées par des contrats avec Jerry Bruckheimer. Scott est embauché
pour filmer Crimson Tide (USS Alabama en VF) et demande à Tarantino de réécrire
en douce pas mal de dialogues. Bonne pioche, cela donne une consistance aux
personnages qui ne sont pas présentés uniquement sous l'angle de leur métier
mais aussi sous un angle humain. Le duel psychologique entre Gene Hackman et
Denzel Washington n'en est que plus intense.
Bourrés de références à la culture comics et à Star Trek, les nouveaux dialogues marqueront bien les esprits. En 2009, J.J Abrams tournera son Star Trek comme un film de sous-marin quand l'action se déroule dans l'Enterprise ! La boucle est bouclée !
Première collaboration entre Scott et Denzel. Ces deux-là se retrouveront souvent dans les années 2000. Pour la petite histoire, il se dit à Hollywood que c'est après avoir entendu la musique d'Hans Zimmer pour ce film que Steven Spielberg lui donnera les clés du bureau de directeur musical de DreamWorks !
Bourrés de références à la culture comics et à Star Trek, les nouveaux dialogues marqueront bien les esprits. En 2009, J.J Abrams tournera son Star Trek comme un film de sous-marin quand l'action se déroule dans l'Enterprise ! La boucle est bouclée !
Première collaboration entre Scott et Denzel. Ces deux-là se retrouveront souvent dans les années 2000. Pour la petite histoire, il se dit à Hollywood que c'est après avoir entendu la musique d'Hans Zimmer pour ce film que Steven Spielberg lui donnera les clés du bureau de directeur musical de DreamWorks !
Ennemi D'état, thriller technologique porté par Will Smith est à demi-convaincant mais
montre que Tony Scott commence à expérimenter beaucoup plus l'image. Le montage
est plus brut, les plans plus courts et le rendu est souvent saturé ! Spy Game
use des mêmes procédés (en un peu plus maîtrisés) mais se montre radicalement différent
dans le genre espionnage que le précédent film de Scott. On nage presque dans
une ambiance à la John LeCarré avec des espions désabusés et finalement très peu
de fun dans la profession (et oui, James Bond c'est de la pure fiction). Le
film offre aussi de réunir deux icônes du cinéma : Robert Redford et Brad Pitt.
Bravo, il aura forcé des armées de femmes (et de jeunes filles) à s'intéresser
à un genre souvent considéré comme réservé aux mecs !
En 2004, il
renoue avec Denzel Washington qui ne le quittera plus (sauf pour le film
suivant). Man on fire déboule et la claque qu'il assène est à la hauteur de son
bide au box-office : monumentale !
Récit de
vengeance et de rédemption, on y voit Denzel Washington, garde du corps bourru
et ayant un penchant pour la bibine, tout tenter pour retrouver les kidnappeurs
de la petite dont il avait la garde et qui s'est faite enlever pendant qu'il se
prenait une méchante bastos ( la relation père de substitution/fille de
substitution est d'ailleurs plus claires grâce à certaines scènes coupées où
l'on voit le héros coucher avec la femme de son patron,donc la mère de la petite pour ceux du fond près du radiateur! ).
Outre une belle mise en place qui prend son temps et noue des liens émotionnels forts tant entre les héros qu'avec le spectateur, le film bénéficie d'une mécanique bien huilée jusqu'au dénouement dramatique de l'histoire. Scott use et abuse d'un effet de surimpression de la pellicule (en gros il s'agit de tourner des scènes avec de la pellicule déjà utilisée ) qui donne un effet parfois irréel, comme si le héros était mort lors de l'enlèvement et qu'il était trop têtu pour l'admettre avant d'en avoir fini. Et Scott arrive à rendre supportable la petite Dakota Fanning, ce que Spielberg ne réussira pas dans La Guerre des Mondes…comme quoi !
Outre une belle mise en place qui prend son temps et noue des liens émotionnels forts tant entre les héros qu'avec le spectateur, le film bénéficie d'une mécanique bien huilée jusqu'au dénouement dramatique de l'histoire. Scott use et abuse d'un effet de surimpression de la pellicule (en gros il s'agit de tourner des scènes avec de la pellicule déjà utilisée ) qui donne un effet parfois irréel, comme si le héros était mort lors de l'enlèvement et qu'il était trop têtu pour l'admettre avant d'en avoir fini. Et Scott arrive à rendre supportable la petite Dakota Fanning, ce que Spielberg ne réussira pas dans La Guerre des Mondes…comme quoi !
En 2005, il
décide de mettre en image la vie de son amie Domino Harvey. Domino est une
ancienne top-model qui s'est reconvertie en chasseur de primes (je vous jure
que je n'invente rien). Sauf que ça serait trop simple. Les mésaventures ici
comptées ne sont pas arrivées à Domino. Scott invente le premier biopic à ne
pas en être un. Les expérimentations visuelles de Man on Fire trouvent un paroxysme
dans Domino. L'image est si triturée
qu'on dirait une succession de tableaux impressionnistes ! Les sensations
visuelles du spectateur sont au diapason de ce que ressentent les personnages ! Bourrin et bas du front, il donne au chaos une odeur de fumée. Autant navet magistral que chef-d'œuvre total. Le film de tous les paradoxes.
Après
Domino, le style de Scott s'assagit avec Déjà-Vu, thriller lorgnant sur les
paradoxes parallèles. La surimpression n'aurait pas été dépaysante. Pour les 2 derniers films de sa filmo, je n'ai rien à en dire : je ne les ai pas vus.
Au revoir
donc Tony, tu nous quittes mais tu n'a pas oublié de nous laisser de quoi
continuer à avoir envie de se déplacer dans un lieu où la magie existe et
existera toujours !
Et au passage, je ne remercie pas les chaines télévisées ! L'info
a été traitée en douce et aucune n'a jugé bon de chambouler ses programmes pour
lui rendre un dernier hommage.Alors que le mec a juste : propulsé Tom Cruise,mis en lumière le talent de Denzel Washington,mis en place la bonne charnière pour Hans Zimmer et révélé Quentin Tarantino au monde ! Vous avez raison : il n'a rien accompli...