dimanche 6 juillet 2008

Dans le royaume de Hrothgar .







Mon premier contact avec le poème épique « Beowulf » s'est fait de manière très indirecte au cours de l'été 1999. Beowulf est un poème d'exception dans le corpus de la littérature anglo-saxonne. Plutôt que de choisir un sujet chrétien, le poème retrace les hauts faits du héros éponyme, et ses trois principaux combats : Beowulf est un puissant guerrier goth (« Geat », une peuplade au sud de la Suède) qui voyage au Danemark pour débarrasser la cour du Roi Hrothgar d'un terrible monstre mangeur d'hommes nommé Grendel. Après l'avoir vaincu, Beowulf double la mise en tuant la mère de Grendel, puis retourne dans les pays des Goths pour se mettre au service de son peuple et de son Roi, Hygelac. Bien plus tard, après avoir succédé au monarque, il meurt lors d'un ultime combat contre un dragon cracheur de feu.Mais même si Beowulf reste une fable imaginaire, le poème évoque à plusieurs reprises des événements historiques comme le raid du Roi Hygelac chez les Frisons par exemple.



Cet été-là donc, un film devait retenir mon attention ,presque autant que The Matrix, : le 13éme guerrier. Tiré d'un roman de Michael Crichton, « Les Mangeurs de Morts » , j'allais plonger de plein fouet dans le monde de la Dark fantasy au son d'une des meilleures bande-originales de Jerry Goldsmith. Mais avant tout, alors que l'internet n'en était qu'à ses balbutiements, je décidais de me procurer l'ouvrage adapté au cinéma avant d'aller voir le film.

Ahmed Ibn Fadlan, ibn-al-abbas, ibn-rasid, ibn-Hammad (courtisan du calife de Bagdad al-Muqtadir), est un élément de la société raffinée et polyglotte de Bagdad (la Cité de la Paix), alors la ville la plus civilisée. Exilé après une aventure galante, il est envoyé en ambassade après de roi des Saqalibas. La troupe musulmane croise un jour le chemin d'une troupe viking. Ahmed s'invite sous la tente de leur chef Buliwyf et assiste à l'arrivée d'un messager porteur de sombres nouvelles. Il apprend qu'un village viking est victime des attaques des mystérieux et terrifiants monstres du brouillard. Une femme hirsute prophétise alors que treize hommes doivent être envoyés au secours du village, douze vikings et ... un étranger. Ibn Fadlan se joint, bien malgré lui, à l'expédition et l'aventure commence...

Crichton fait intervenir ici un véritable chroniqueur, Ibn Fadlan, qui au Xème siècle a remonté le Danube en mission diplomatique pour son calife. Arrivé en Bulgarie qui à l'époque s'étendait bien plus loin que celle d'aujourd'hui, il décrit sa rencontre avec un bateau viking. Le témoigage écrit de Ibn Fadlan fut l'un des premiers à nous en apprendre sur les manières et coutumes des vikings. Le roman commence d'ailleurs ses trois premiers chapitres par des morceaux authentiques du manuscrit (jusque la rencontre avec le drakkar). Ensuite,Chrichton continue son récit comme si il s'agissait du manuscrit authentique ; nous sommes donc presque en présence d'un vrai faux.
Oui,mais quel rapport avec Beowulf ? J'y arrive. Dans sa postface,l'auteur nous éclaire sur sa motivation à écrire cet ouvrage court mais prenant. Lors d'une discussion littéraire avec l'un de ses amis,celui-ci lui prétendit que le poème épique Beowulf était l'un des plus barbants de l'histoire. Chrichton n'était pas d'accord et décida de le prouver. Michael Crichton voulait avec cette pseudo monographie érudite, émaillée de nombreuses notes et références (souvent fantaisistes), démontrer que Beowulf est « un récit dramatique et exaltant » et non « l'un de ces textes considérés comme essentiels [...], mais qu'en vérité personne ne lit plus à moins d'y être obligé ». L'on y retrouve les mêmes combats mais pas dans le même ordre et bien sûr un combat final absent du poème mais cher à la littérature actuelle.Le récit de Crichton s'éloigne de la fantasy pure pour se rapprocher au plus près d'une aventure réaliste.
Ainsi ,les 13 guerriers affrontent dans la grande halle,non pas un monstre mais une horde de monstres féroces qui gardent les têtes de leurs victimes en guise de trophées et qui emportent leurs morts et blessés. On les appellent les Wendols....un nom qui n'est pas sans rappeler la sonorité de celui de Grendel. Pour la première fois confronté à une forme vaillante de résistance,les Wendols invoquent le dragon-luciole pour vaincre leurs nouveaux adversaires ( dans le Beowulf,le dragon est la dernière bataille du héros). Le dragon-luciole est composé de milliers de boules de feu descendant de la vallée vers le village telle une rivière de lave. Mais ce dernier n'est en réalite que la cavalerie wendolle qui descend de nuit. C'est au cours de ce raid que l'on découvre réellement la vrai nature des Wendols : alors que lors du premier assaut l'aspect monstrueux était mis en avant avec l'apparition furtive de leur tête à gueule d'ours ou de loup et qu'aucun corps ne put être étudié, Ibn se rend compte que leur gueule n'est en fait que la tête et la peau d'un animal empaillé. Sous le masque on trouve une espéce d'hominidé apparentée à l'homme.



Il est intéressant de constater ici que le naturel de Chrichton (la vulgarisation scientifique) revient pointé le bout de son nez ; la théorie d'une humanité parallèle proche de Neandertal étant encore prise comme une possibilité bien réelle par de nombreux chercheurs. Enfin,après avoir vaincu le dragon,les guerriers s'en vont défier la « mère » des Wendols,sorte de prétresse de la tribu dont la mort conduira à la disparition des coutumes et de la tribu elle-même. Buliwyf meurt lors de l'assaut vengeur des Wendols contre le meurtrier de leur mère. Le film est d'une fidélité à toute épreuve au roman. Et marque même un tournant officieux. Pour la première fois,Hollywood n'a pas cherché à polir ses images : le sang est crade,la boue fouette les corps et les visages lors des batailles,la seule lumière des torches vient éclairer les acteurs...on retrouvera ces détails dans des futurs grands films tels Gladiator ou la trilogie du Seigneur des Anneaux.


Des années plus tard,lors d'un cours à l'université sur la littérature,mon deuxième contact eu lieu. Le professeur nous narre les grandes qualités des débuts de la littérature anglo-saxonne et en vient tout naturellement à nous parler de Beowulf. Hors ce dernier ce lamente que malgré le reagin d'intérêt pour ce genre d'histoire au cinéma,ce dernier n'ait jamais été adapté une seule fois au cinéma....et là ça coince : le 13éme guerrier est bel et bien une adaptation de Beowulf,certes éloignée du matériau d'origine mais une adaptation quand même.Et n'oublions pas(quoique si oublions !!!!pour notre santé mentale) le lamentable Beowulf avec Christophe Lambert(dont les seuls bons films resteront Highlander 1 et Greystoke) situé dans une époque post-apocalyptique. Et voila notre bon professeur parti vers d'autres récits plus connus : les récits Arthuriens et pour illustrer son propos,nous projette un extrait du film Excalibur. Je suis loin d'avoir une dent contre les récits arthuriens et je comprends aisément qu'il n'ait pas choisi de nous montrer des passages de Merlin l'enchanteur mais il devrait y avoir des limites au mauvais goût,même pour illustrer un propos.
Enfin bref,revenons à nos moutons. Il aura donc fallu attendre l'automne 2007 pour voir débarquer sur les écrans une adaptation « fidèle » de Beowulf. Avec au scénario Roger Avery (Pulp fiction,Killing Zoe) et surtout Neil Gaiman,auteur « so british » de nombreuses nouvelles,d'excellents comics(Sandman,1602,The eternals...) et de superbes romans(Stardust ;adapté récemment ; Neverwhere binetôt adapté,American gods,Anansi boys...). Et voila notre bon Beowulf parti à la chasse aux monstres. Et si le combat contre Grendel est bien le même que dans le poème,le combat contre la mère est bien différent : plutôt que de la tuer celle-ci lui propose un pacte : lui faire un enfant et il deviendra roi de sa contrée tant qu'une coupe en or sera en possession de la démone. Et bon vu que maman Grendel a pris les traits (et le corps) d'Angelina Jolie,le bon et brave Beowulf prend son courage à deux mains et la mère de Grendel avec.
30 ans plus tard Beowulf est devenu roi et vieux...mais toujours alerte. Hors voici qu'un dragon géant apparaît dans le royaume et que la coupe en or est retrouvée. Beowulf se sacrifiera pour pourfendre le dragon( qui se révélera être le fruit de ses amours avec Angelina...euh pardon,la mère de Grendel) lors de la séquence la plus impressionnante de tout le film sublimée par la beauté des images. On le voit ici,l'histoire racontée est sensiblement différente de celle de l'œuvre originale. Et si cela n'apporte pas grand-chose à l'histoire zn elle-même,ça a le mérite de rendre moins lisse et plus moralement ambigu le héros scandinave. Quant à la fin du film , elle peut être interprétée de diverses manières mais une chose demeure : la diablesse est toujours en vie. Serait-ce là le moyen de montrer que le mal est invincible ? Si c'est le cas,voila une fin bien pessimiste pour un film américain.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Même si ce n'est pas un film à proprement parler, on peut retrouver une "adaptation" de Beowulf dans un épisode de Star Trek Voyager (le 1x12). Loin d'être un chef d'oeuvre, ça a eu le mérite de me faire découvrir cette légende avant de voir le sublime 13ème Guerrier quelques années plus tard.

Geoffrey a dit…

je me demande quand même ce qu'aurait donné une director's cut du film par John McTiernan,tant pis le film est déja extrèmement bon ;)