Alors que Wetta ( la compagnie d'effets spéciaux de
Peter Jackson) mettait les dernières touches de pixels à son Tintin, Steven
Spielberg repassait derrière la caméra pour réaliser " War Horse ",
que le synopsis tente de nous vendre comme un " Saving Private Ryan "
se déroulant durant la 1re guerre mondiale. Bien entendu, il en va
tout autrement.
Nous sommes en Angleterre, au début du XXme
siècle. Ted Narracott est un fermier avec un sérieux problème d'alcool qui a du
mal à payer son loyer. Aux enchères, par orgueil, il achète un cheval à un prix
trop élevé…un cheval de course demi-sang alors qu'il avait absolument besoin
d'un cheval de labour. Son fils Albert est chargé de le dresser pour réussir à
en tirer quelque chose. Mais alors que le jeune homme apprivoise la bête qu'il
nomme Joey, l'Angleterre entre en guerre. Rongé par les dettes, Ted n'a pas
d'autre choix que de vendre Joey à la cavalerie anglaise. Albert est dévasté et
Joey part au combat !
Le synopsis officiel précise qu'Albert monte une
expédition de secours. C'est faux, comme je le disais, nous ne sommes pas dans
" Il faut sauver le cheval Joey ". Ce n'est pas un film de guerre
mais un film qui se déroule durant la guerre, subtile nuance. La meilleure
preuve est sans aucun doute qu'il faut attendre plus d'une heure avant de voir
un casque allemand à pointe.
On pourrait penser qu'avec une telle histoire, une
amitié indéfectible inter-espèce, Spielberg allait nous jouer du conte de fée,
genre dont on l'accuse souvent d'être partisan (alors que si on y regarde bien,
à part " Hook ou la revanche du capitaine Crochet ", a-t-il vraiment
traité du sujet ? Non. Mais bon, c'est sans doute " conte de fée "
que d'avoir un point de vue souvent optimiste dans le monde de cyniques
d'aujourd'hui). Alors qu'au final, le film est plus que cela. C'est une
mosaïque d'émotion peuplée de personnages tous plus différents les uns que les
autres. Joey passera de propriétaire en propriétaire durant la guerre et c'est
surtout leurs histoires qui nous sont contées. Joey servant de " prétextes
" pour passer d'une histoire à l'autre. Et il fallait tout le talent de
mise en scène d'un Spielberg pour que le passage d'un segment à l'autre ne soit
pas artificiel. Une fluidité presque parfaite fait que l'on passe d'un héros
humain à l'autre sans le moindre souci.
Il n'est pas difficile de voir ce qui a plu à Steven
Spielberg dans cette histoire. Bien entendu on retrouve son éternel thème de la
perte de l'innocence traité ici de divers angles. Que cela soit celui d'Albert
qui apprend la vie, ou celui de la cavalerie anglaise qui se réveille et
réalise qu'on ne gagne pas une guerre moderne avec des usages dépassés (sabre à
la main sans armes à feu) en passant par une fillette perdant ses illusions…Spielberg
oublie aussi en chemin le manichéisme inhérent à ce genre de films , ce qui
renforce d'un coup son propos depuis le début de sa carrière : parler de
l'humain, quel qu'il soit ! Car c'est l'humain qui est au centre de son cinéma
et ce depuis ses débuts. Mais depuis des années il donnait l'impression d'être
devenu un humaniste ayant perdu foi en l'humanité. "War Horse" donne
tort à cette affirmation.
Et il y donne tort avec brio. Car un défaut majeur
s'est glissé dans le scénario : des dialogues pas vraiment au top. Rien de
grave mais certaines répliques sonnent faux. Faisant fi de cela, Spielberg
filme son métrage en y mettant toute son expérience, et ça paye bien
évidemment. Comment vraiment faire attention aux dialogues quand la mise en
scène, la direction d'acteurs, la préparation des images sont si puissants que
le discours passe par le ressenti du spectateur ? Mieux, maîtrisant le
hors-champ comme personne, Spielberg crée une fresque guerrière où la mort rôde
sans qu'on ne la voie. Contrastant fortement avec les séquences où celle-ci est
montrée frontalement (pas un conte de fée je vous dis ! ) Que cela soit dans le
drame, la comédie (l'oie de la ferme est un ressort comique convenu mais qui
fonctionne à tous les coups ! ) ou bien entendu les séquences de pure action
guerrière ( dont un morceau de bravoure hippique et nocturne en plein no man's
land qui prend aux tripes comme rarement
une scène d'action vous aura pris aux tripes).
Un cocorico, puisque l'actrice Céline Buckens est une petite Belge. Après Tintin,voila que tonton Steven vient nous piquer nos acteurs, c'est pas beau la vie ?
Tout résonne dans le spectateur pour que celui-ci
semble faire partie prenante de l'histoire. Impossible de ne pas éprouver de
l'empathie pour les protagonistes ( et je ne parle pas que des humains…alors
que le cheval n'est pas particulièrement un animal que j'apprécie en dehors de
mon assiette) à tel point qu'un bruyant couple d'ados à qui il fallait demander
de la fermer en début de séance s'est retrouvé muet et sanglotant à la fin de
la projection. Une fin dont les tons de couleur rappelle les vieux westerns,
ceux où il n'est nul besoin de paroles pour comprendre ce qui passe entre les
personnages. Quand je vous le disais que les dialogues on s'en cogne dans ce
film !
Le film est nominé dans la catégorie " Meilleur
film " aux Oscars et cela se comprend…ce qui est incompréhensible par
contre c'est que Steven Spielberg ne le soit pas dans la catégorie "meilleur
réalisateur". Comment peut-on réalisé un candidat au poste de meilleur film
si l'on n'est pas soi-même en lice pour celui de meilleur réalisateur ?
L'académie des Oscars a décidément un problème avec Spielberg et ça ne date pas
d'hier.
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