samedi 4 février 2012

Boucherie chevaline.


Alors que Wetta ( la compagnie d'effets spéciaux de Peter Jackson) mettait les dernières touches de pixels à son Tintin, Steven Spielberg repassait derrière la caméra pour réaliser " War Horse ", que le synopsis tente de nous vendre comme un " Saving Private Ryan " se déroulant durant la 1re guerre mondiale. Bien entendu, il en va tout autrement.

Nous sommes en Angleterre, au début du XXme siècle. Ted Narracott est un fermier avec un sérieux problème d'alcool qui a du mal à payer son loyer. Aux enchères, par orgueil, il achète un cheval à un prix trop élevé…un cheval de course demi-sang alors qu'il avait absolument besoin d'un cheval de labour. Son fils Albert est chargé de le dresser pour réussir à en tirer quelque chose. Mais alors que le jeune homme apprivoise la bête qu'il nomme Joey, l'Angleterre entre en guerre. Rongé par les dettes, Ted n'a pas d'autre choix que de vendre Joey à la cavalerie anglaise. Albert est dévasté et Joey part au combat !
Le synopsis officiel précise qu'Albert monte une expédition de secours. C'est faux, comme je le disais, nous ne sommes pas dans " Il faut sauver le cheval Joey ". Ce n'est pas un film de guerre mais un film qui se déroule durant la guerre, subtile nuance. La meilleure preuve est sans aucun doute qu'il faut attendre plus d'une heure avant de voir un casque allemand à pointe.

On pourrait penser qu'avec une telle histoire, une amitié indéfectible inter-espèce, Spielberg allait nous jouer du conte de fée, genre dont on l'accuse souvent d'être partisan (alors que si on y regarde bien, à part " Hook ou la revanche du capitaine Crochet ", a-t-il vraiment traité du sujet ? Non. Mais bon, c'est sans doute " conte de fée " que d'avoir un point de vue souvent optimiste dans le monde de cyniques d'aujourd'hui). Alors qu'au final, le film est plus que cela. C'est une mosaïque d'émotion peuplée de personnages tous plus différents les uns que les autres. Joey passera de propriétaire en propriétaire durant la guerre et c'est surtout leurs histoires qui nous sont contées. Joey servant de " prétextes " pour passer d'une histoire à l'autre. Et il fallait tout le talent de mise en scène d'un Spielberg pour que le passage d'un segment à l'autre ne soit pas artificiel. Une fluidité presque parfaite fait que l'on passe d'un héros humain à l'autre sans le moindre souci.
Il n'est pas difficile de voir ce qui a plu à Steven Spielberg dans cette histoire. Bien entendu on retrouve son éternel thème de la perte de l'innocence traité ici de divers angles. Que cela soit celui d'Albert qui apprend la vie, ou celui de la cavalerie anglaise qui se réveille et réalise qu'on ne gagne pas une guerre moderne avec des usages dépassés (sabre à la main sans armes à feu) en passant par une fillette perdant ses illusions…Spielberg oublie aussi en chemin le manichéisme inhérent à ce genre de films , ce qui renforce d'un coup son propos depuis le début de sa carrière : parler de l'humain, quel qu'il soit ! Car c'est l'humain qui est au centre de son cinéma et ce depuis ses débuts. Mais depuis des années il donnait l'impression d'être devenu un humaniste ayant perdu foi en l'humanité. "War Horse" donne tort à cette affirmation.




Et il y donne tort avec brio. Car un défaut majeur s'est glissé dans le scénario : des dialogues pas vraiment au top. Rien de grave mais certaines répliques sonnent faux. Faisant fi de cela, Spielberg filme son métrage en y mettant toute son expérience, et ça paye bien évidemment. Comment vraiment faire attention aux dialogues quand la mise en scène, la direction d'acteurs, la préparation des images sont si puissants que le discours passe par le ressenti du spectateur ? Mieux, maîtrisant le hors-champ comme personne, Spielberg crée une fresque guerrière où la mort rôde sans qu'on ne la voie. Contrastant fortement avec les séquences où celle-ci est montrée frontalement (pas un conte de fée je vous dis ! ) Que cela soit dans le drame, la comédie (l'oie de la ferme est un ressort comique convenu mais qui fonctionne à tous les coups ! ) ou bien entendu les séquences de pure action guerrière ( dont un morceau de bravoure hippique et nocturne en plein no man's land  qui prend aux tripes comme rarement une scène d'action vous aura pris aux tripes).


Un cocorico, puisque l'actrice Céline Buckens est une petite Belge. Après Tintin,voila que tonton Steven vient nous piquer nos acteurs, c'est pas beau la vie ? 

Tout résonne dans le spectateur pour que celui-ci semble faire partie prenante de l'histoire. Impossible de ne pas éprouver de l'empathie pour les protagonistes ( et je ne parle pas que des humains…alors que le cheval n'est pas particulièrement un animal que j'apprécie en dehors de mon assiette) à tel point qu'un bruyant couple d'ados à qui il fallait demander de la fermer en début de séance s'est retrouvé muet et sanglotant à la fin de la projection. Une fin dont les tons de couleur rappelle les vieux westerns, ceux où il n'est nul besoin de paroles pour comprendre ce qui passe entre les personnages. Quand je vous le disais que les dialogues on s'en cogne dans ce film !



Le film est nominé dans la catégorie " Meilleur film " aux Oscars et cela se comprend…ce qui est incompréhensible par contre c'est que Steven Spielberg ne le soit pas dans la catégorie "meilleur réalisateur". Comment peut-on réalisé un candidat au poste de meilleur film si l'on n'est pas soi-même en lice pour celui de meilleur réalisateur ? L'académie des Oscars a décidément un problème avec Spielberg et ça ne date pas d'hier.

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