Parue en VF
chez divers éditeurs au gré des ventes
des droits et autres joyeusetés, la série « Sandman » ressort chez
Urban en VF dans une édition supposément définitive ! Retour sur une série
culte qui mérite en effet un bel écrin !
Vers le
milieu des années 80, l’éditeur américain DC Comics décide qu’il serait bon de
sortir de la naphtaline certains noms et personnages connus qu’il n’a plu
utilisés depuis Mathusalem ! Le nom de Sandman est évoqué. Au départ,
Sandman est un héros masqué dont le nom civil est Wesley Dodds. L’homme endort
les criminels , d’où sont surnom de Sandman ( car c’est ainsi que nos amis
anglo-saxons appellent notre bien connu marchand de sable).
Mais c’est
la proposition d’un jeune auteur anglais qui va être pris en compte. Et le
sandman qu’il propose n’est pas un super-héros mais bien le marchand de sable
lui-même. Ou du moins quelque chose qui s’en approche. Si la série se déroule
dans l’univers DC, son héros n’est pas un super !
Neil Gaiman
est un romancier des plus intéressants dans le genre fantastique, et qui touche parfois à la SF. Il a écrit
plusieurs romans et pas mal de nouvelles. Mais ce qui fit sa renommée et qui le
lança définitivement, c’est la série « Sandman » qu’il scénarisa
durant 8 ans , de 1988 à 1996. Et pour le fan, c’est un plongée dans les
sources de ses romans : tout ce que Gaiman va développer et explorer dans
ses futures romans (sans jamais se répéter vraiment,il aime trouver de nouveaux angles) et mêmes certains autres comics qu'il scénarisera.
En 1916, un
groupe britannique adepte de l’occulte tente un rituel dont le but est de
capturer La Mort ( du moins sa matérialisation anthropomorphique, la grande
faucheuse quoi ) . Mais le rituel subit un couac : ce n’est pas la mort
mais le rêve qui se fait capturer. Morphée (ou Rêve/Dream), le Sandman, restera
prisonnier plus de 70 ans. Ses outils ( son casque, sa bourse de sable et le
rubis désignant son rang) ont été dispersés et il va se lancer dans une quête
pour les récupérer. Mais d’abord, il va se venger.
Le premier acte raconte donc la capture et la quête de Sandman. Cette aventure lui fera rencontrer quelques figures emblématiques de l’univers DC dont le magicien immoral John Constantine, le héros de la série horrifique Hellblazer !
Le premier acte raconte donc la capture et la quête de Sandman. Cette aventure lui fera rencontrer quelques figures emblématiques de l’univers DC dont le magicien immoral John Constantine, le héros de la série horrifique Hellblazer !
Mais
Sandman est tout autant le héros de la série qu’un concept. Dès lors, le second
acte opte pour une nouvelle orientation en présentant un autre protagoniste
principale et une histoire où Sandman occupera un rôle secondaire voire
mineure. L’envie de Gaiman de jouer avec les codes et la narration est palpable.
Et jouissive ! Un exemple de jeu avec les codes : lors d'un voyage en enfer, Morphée rencontre Lucifer. Ancien ange, Lucifer est donc un être asexué. Et selon l'angle de vue, Lucifer , tout en gardant son apparence, prend soudain des airs féminins, masculins ou androgyne. Simple et efficace !
Le concept
de rêve est donc explorer au travers de son « protecteur » Morphée,
de son royaume mais aussi des rêves des êtres humains. Renverse les liens entre
Morphée et son royaume ( qui est arrivé en premier, Morphée ou les rêves ?
Et ça c’est en gros ). Chaque rêve individuel étant une part du royaume de
Morphée, son royaume est donc en constant mouvement, un royaume uni mais
fracturé ! Bref, la série foisonne de concepts intéressants et explorés dans tous les sens. Un sacré boulot d’auteur ! Un boulot qui défriche les rêves et donc les histoires de l'homme. Celles qui finiront en contes, en mythes ou en religions.
Niveau
dessins, plusieurs artistes se succéderont tout au long de la série. Ceux qui s’occupent
des épisodes réunis dans ce premier volume fournissent un travail situé assez
loin des standards lisses. Et certains épisodes frôlent le minimalisme. Le
dessin est daté mais bénéficie d’une nouvelle colorisation sensée harmonisée l’ensemble
de la série. Le dessin n’est donc pas le point fort mais ne peut être considéré
comme un point faible. Il est juste passable, rien de honteux mais pour une
série considérée comme culte, j’aurai pensé que le dessin le serait aussi. C’était
oublier que Sandman a commencé comme une série mineure et que les grands noms
de DC étaient occupés sur les grands noms de l’éditeur !
Ce premier
volume contient son lot de bonus : des entretiens avec Neil Gaiman, des dessins
et des croquis préparatoires, etc… le volume frôle donc son statut d’édition
définitive. Frôle, car il y a un problème ! Lors de l’impression, la page
105 s’est vue reproduite deux fois, dont l’une à la place de la page 110.
Plutôt que de détruire tout le lot tiré chez l’imprimeur ( ce que l’on peut comprendre vu l’importance
du tirage et le caractère vraiment anti-écologique), Urban a décidé d’inclure
un ex-libris reproduisant la fameuse page 110. Initiative naturelle envers le
lectorat qui est en droit d’attendre l’entièreté de l’histoire qu’on lui
propose d’acheter ! Néanmoins, cela fait un peu tâche pour une édition
supposée définitive. Les plus réactionnaires devront donc attendre le second
tirage pour que le problème soit résolu. Personnellement, même si cela m’a un
peu embêté, je n’ai pas été gêné outre mesure mais je conçois que certains le
prennent un peu mal.
La traduction est de Patrick Marcel, traducteur reconnu dans le milieu et qui a traduit une bonne partie de l'oeuvre de Neil Gaiman dans nos contrées. On regrettera , dans les bonus, la répétition de deux mots dans dans deux phrases.
Sandman est
une série qui, pour ce que j’en ai lu jusque maintenant, semble mériter son
statut culte. Elle joue avec les concepts littéraires (impossible de ne pas
penser à Fables ou Unwritten en lisant certains passages, séries apparues plus
tardivement ) et narratifs et impose Neil Gaiman comme un auteur à suivre !
Onirique, horrifique, poétique et addictive, Sandman est faite de la matière
qui fait les rêves comme aurait dit un célèbre dramaturge…qui joue d’ailleurs un
petit rôle dans la série qui nous occupe !
Immanquable !
PS : dans le même ordre d'idées qui valut à Sandman d'être lancé ( pour rentabiliser un nom détenu par DC) , une autre série fut lancé quelques années plus tard. Tout aussi bien écrite mais ayant suivi la démarche inverse, faire revenir le vrai héros et son fils, entérinant un peu plus la notion d'héritage, notion qui sous-tend presque l'entièreté de l'unviers DC. Cette série c'est Starman ( série dans laquelle Wesley Dodds, le super-héros Sandman, fait plusieurs apparitions), et elle transcende le genre super-héroïque tout en lui rendant le plus beau des hommages. Elle aussi mérite d'être découverte !
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