Souvent deux films par an, plus rarement un seul.
Le Studio s’est lancé dans le pari fou (tenté depuis peu par Warner Bros. avec le catalogue DC Comics) de construire au cinéma ce que l’éditeur fait depuis ses débuts : créer un univers partagé où les différents héros se croisent, s’allient…ou se déchirent.
C’est le dernier cas qui va nous intéresser ici avec le troisième film Captain America : Civil War !
Univers partagé oblige , ce troisième film Captain America est tout autant la suite directe des aventures du super-soldat après « The Winter Soldier » que la conséquence d’Avengers : Age of Ultron.
La nouvelle équipe d’Avengers, allez soyons fan-boys et appelons la New Avengers, remplace donc le SHIELD sur le terrain.
Cap et son équipe traque un ancien membre de HYDRA. Mais au cours de l’intervention, un incident fait une dizaine de morts : des officiels du Wakanda, un petit pays d’Afrique qui vivait relativement replié sur lui-même depuis des siècles.
Cet incident, additionné aux catastrophes gérées par les super-héros ces dernières années, pousse les autorités à rédiger et à faire signer les accords de Sokovie , pour réglementer les activités héroïques.
Là où Tony Stark (rongé par le remords) y voit un cadre approprié où chaque personne doit rendre des comptes pour ses actes, Steve Rogers perçoit cette main mise du gouvernement sur lui et son équipe comme , au mieux handicapante et au pire complètement tyrannique avec cet objectif à plus ou moins long terme de faire des Avengers une arme étatique. Essoufflés par les combats et les blessures personnelles, les héros entament un conflit qui pouvait se résoudre par le dialogue et qui devient une véritable guerre de famille quand une étincelle met le feu aux poudres : Bucky Barnes, le soldat de l’hiver, semble responsable d’un attentat, à Vienne. Pour Stark et ceux qui ont signé les accords, Barnes doit être arrêté immédiatement. Pour Cap , il faut enquêter : ses sentiments envers son ami brouillent-ils sont jugement ?
Un point sur lequel on ne pourra rien reprocher à Civil War : la densité de son intrigue et les questionnements légitimes qui devraient se poser dans un monde où les super-héros existent et se comportent comme une milice ne répondant à aucune autorité légale.
Cette intrigue, justement, se base de loin sur la mini-série Civil War , dont elle partage bien entendu beaucoup de points communs : l’incident malheureux, le contrôle des super-héros, etc… Mais là où les comics étaient fort manichéens avec un Stark limite fasciste et un Rogers droit dans ses bottes mais peu enclin au compromis (mais peut-on en faire face au totalitarisme ?), le film ne pose jamais l’un ou l’autre comme ayant forcément tort ou raison. Les deux visions se comprennent et il est difficile de faire un choix. Mais le faut-il vraiment , en tant que spectateur, choisir un camp ? Contrairement aux comics de base, jamais le film ne simplifie le propos pour faire adhérer le spectateur à une vision des choses : son cœur est là, c’est à un drame familiale qui se règle à coups de pouvoirs et de technologies de SF auquel nous assistons. C’est Kramer contre Kramer chez les héros.
L’intrigue, comme énoncé plus haut, est riche et dense. Peut-être trop. Le film est long ( 2h27 quand même ) et son rythme est mal géré. Telle scène aurait dû être creusée, telle aurait du être raccourcie…les deux premiers tiers du film souffrent de cette balance déséquilibrée qui n’est pas aidée par une réalisation certes nerveuses mais jamais inventive et peu immersive lors de la scène pivot du film, le fameux combat sur la piste de l’aéroport que TOUTES les bandes-annonces ont sur-vendue au possible lors de la phase marketing.
Ce n’est pourtant pas faute d’avoir des atouts et des arguments plaisants : des combats peu monotones, des protagonistes dont on sent l’attachement entre eux mais dont les opinions divergent trop, en des temps de troubles, pour ne pas en arriver à devenir vindicatifs.
La valse entre équipiers aussi : c’est un combat , pas une danse , tout le monde ne reste pas sur le même partenaire.
Et parmi ces partenaires, Ant-Man et le nouveau Spider-Man ( le troisième en 14 ans, un record) se taille une belle part. Les deux personnages sont nouveaux dans cet univers mais partagent des points communs : un sens de l’humour et de la répartie, et une envie profonde de briller aux yeux de certains : Scott Lang veut impressionner Captain America et Peter Parker veut se montrer à la hauteur des attentes de Tony Stark quand bien même le discours de Parker sur les pouvoirs et les responsabilités est bien plus proche de la philosophie de Steve Rogers.
Sur le papier, cette séquence avait tout nous faire décrocher la mâchoire dans un grand WOW jouissif.
Mais ce morceau de presque bravoure est alourdi par une donnée capitale : le sens visuel des frères Russo est inexistant. Leur premier film Marvel, The Winter Soldier, était surtout un thriller d’action musclé dans un monde pseudo-réaliste. Seuls le SHIELD et ses héliporteurs étaient vraiment bigger than life et , noyés dans l’intrigue implacable, les petits gars de ILM s’inséraient très bien dans le jeu. Aucun personnage n’avait de capacités vraiment hors norme.
Mais tout change ici avec des héros capables de grimper sur les murs, voler, lancer des rafales, etc…Jamais, au grand jamais, l’image ne se met au service d’une représentation digne de l’iconodulisme. Il n’y a pas de recherches du beau plan, juste du plan efficace.
Et cette critique peut s’appliquer à tout le film tant, comme son aîné, le film mise sur l’efficacité au détriment de la recherche graphique. En résulte souvent un montage haché mis en place pour donner l’illusion du rythme (et ça marche assez souvent , rassurez-vous) mais tellement impersonnel. Chez Marvel Studios, on veut des faiseurs habiles mais remplaçables au service de la tête pensante qu’est le producteur Kevin Feige, chez Warner on veut des réalisateurs avec une vision propre, quitte à devoir se prendre la tête sur la gestion des prochains films. Les deux méthodes ont des défauts et des qualités ( et il faudra encore quelques années avant de voir celles de Warner et surtout sa viabilité commerciale – et non pas artistique – face à la concurrence ).
Là où le scénario et l’équipe technique assurent sur tous les points, c’est la gestion des personnages et l’intrusion de nouveaux venus : Spider-Man n’arrive pas comme un cheveu sur la soupe contrairement aux effets spéciaux qui le font se mouvoir : eux sont trop voyants. Et la Panthère Noire débarque enfin.
Là aussi, ses mouvements générés par ordinateurs sont un peu voyants mais il a la chance d’être un personnage moins voltigeur que Spidey, ce qui le fait apparaître bien plus souvent en vrai ( que ça soit l’acteur Chadwick Boseman ou un cascadeur qui s’y colle). Ces deux héros sont présentés ou réintroduits dans le cas de Spider-Man pour être ensuite exploités dans des films à leurs noms.
Au final, Civil War est un film pétris de défauts de réalisations et au rythme qui a du mal à envelopper le spectateur pour ne le lâcher qu’à la fin : trop dense, trop ambitieux en termes de personnages à gérer sans en sacrifier ( LE coup casse-gueule par excellence quand on dépassé la dizaine) . Cela n’en fait pas pour autant un mauvais film tant l’écriture, les enjeux et les retournements de situation où l’on se fait avoir comme des bleus sont là et bien là.
Me reste à aborder un point sur l’univers Marvel au cinéma : depuis le début , il s’agit de mettre en place des éléments en vue du grand final : Avengers Infinity War part.II ( les deux films seront intégralement filmés en IMAX d’ailleurs ) . Petit à petit, on a posé un échiquier, on a placé les pièces, joué avec…maintenant, la partie se rapproche de son dénouement et la disposition des Rois, des fous et autres pions ne laissent plus vraiment de place pour les surprises ou les prises de risques ( si jamais il y en avait eues auparavant ). La partie se termine et n’importe qui ayant un cerveau plus ou moins capable de prendre du recul et de faire une vue d’ensemble peut aisément deviner des éléments vers lesquels les futurs films nous mènent. Car ces éléments découlent d’une logique pure et les ignorer seraient idiots. Alors oui, Marvel Studios aiment bien prendre son public pour plus bête qu’il n’est parfois ( Thor, Avengers, Iron-Man 2, Guardians of Galaxy) mais ils cherchent un semblant de cohérence entre les films depuis belle lurette. Je les imagine mal changer de cap
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