Raymond King, directeur du service du Trésor Américain est proche de la retraite. Il recrute l’agent Medina pour la mettre sur les traces d’un homme qu’il surnomme « Le Comptable ».
Sentant que les forces de l’ordre se rapprochent de lui, Christian décide de faire profil bas et accepte de vérifier les comptes d’une société informatique. Mais au fur et à mesure qu’il épluche les comptes avec l’aide de Dana Cummings, jeune femme qui pense avoir découvert une anomalie, les cadavres pleuvent. Mais on ne survit pas aux cartels simplement parce que l’on est doué avec les chiffres. Et Christian va mettre ses talents physiques en action pour se protéger lui et Dana.
Le film de l’année avec Ben Affleck, en termes d’attente, c’était bien entendu Batman v Superman. Alors, avec une promo presque inexistante et un titre qui évoque le petit thriller financier ( en VO, le film se nomme The Accountant, le comptable donc pour ceux qui ont séché les cours de la langue internationale) , on peut vite passer à côté. Erreur fatale. Car derrière ce film d’action tenant de la série B de luxe se cache autre chose.
Le cinéma est un langage et les langages sont affaires de codes et conventions grammaticales. C’est en les comprenant que l’on arrive à communiquer à divers niveaux ( le premier degré, le sarcasme, etc…).
Le cinéma est donc de facto affaire de codes et l’usage ou non de certains codes feront entrer les films dans certains genres ou jouer avec la perception du spectateur sur ce qu’il est en train de regarder.
C’est ainsi qu’un thriller d’action peut se lire au second degré comme un film de super-héros…sans costume particulier, sans identité secrète de plus en plus alambiquée dans leur prononciation. La narration présent /passé, qui, si elle n’est pas neuve, a marqué le genre il y a 10 ans par le Batman Begins de Christopher Nolan.
On y voit Christian apprendre à se battre, à se défendre dans un monde qui le trouvera toujours étrange et différent : ça vous rappelle un peu le pitch de X-men ? Rajoutez l’institut pour jeunes autiste qui fait furieusement penser à l’institut Xavier pour jeunes surdoués. Les codes sont là, moins clinquants. L’autisme est ici traité comme dans les comics ou les films sur les mutants : il inquiète, met mal à l’aise mais peut se révéler être un don. Là où Tom Cruise profitait des talents de Dustin Hoffman dans Rain Man, Christian Wolff profite de ses dons pour lui ou bien monnaie ses talents.
Ici, la différence est montrée comme une richesse et gare à celui qui voudrait l’exploiter contre le gré du personnage principal. C’est Josef Schovanec dans le corps du Punisher.
L’emploi de certains acteurs en devient presque un aveu de la mise en scène : oui, c’est un film de super-héros violents qui ne dit pas son nom. Ben Affleck est le Batman préféré du monde, même de ceux qui n’ont pas aimé le dernier film où le chevalier noir gothamite apparaît. Et il est opposé à un mercenaire joué par Jon Bernthal, alias Frank "Le Punisher" Castle, allié/antagoniste/client de Daredevil dans la dernière saison de la série sur le diable de Hell’s Kitchen sur Netflix…hé mais attendez…qui a été le premier Daredevil du cinéma ? Un certain Ben Affleck…Tout se recoupe. Plus fort, le flic tenace Ray King est incarné par J.K Simmons, le boss acariâtre de Peter Parker dans les films de Sam Raimi…et futur commissaire Gordon de l’univers cinématographique où évoluera le Batman de Affleck. Je dois encore vous faire un dessin ?
Allez, pour les fans du chiroptère de Gotham, rajoutons que Christian, parmi ses nombreux tocs, répète en boucle la comptine "Solomon Grundy" pour se calmer.
Pas de capes, pas d’effets spéciaux à 150 millions de $...et pourtant, les images sont là, elles offrent un constant sans appel.
Cet aparté un peu long étant fait, que vaut le film en lui-même en dehors des digressions stylistiques et cinéphiliques ?
Comme dit plus haut, nous avons affaire à une série B de luxe qui n’échappe pas à certaines facilités ou coïncidences qui se goupillent pile au bon moment…mais. MAIS !
L’intrigue est prenante du début à la fin et demande au spectateur de suivre les détails (l’enquête de Médina est pointue et être peu attentif peut faire perdre le fil du raisonnement ) , le personnage principal est fascinant et interprété par un Ben Affleck qui prouve encore que l’industrie aurait peut-être du le considérer avec les mêmes égards que son pote Matt Damon au lieu de lui proposer des rôles dans des productions souvent peu flatteuses pour l’industrie hollywoodienne ( et le petit Benny aurait aussi peut-être dû refuser certains contrats, faut être plusieurs pour danser).
Cadenassé dans des costumes à peine à sa taille (les effets de prendre du muscle pour jouer Batman), Wolff a souvent l’air mal à l’aise dans ses habits « civils », ses costumes trois pièces qui renvoient son image de comptable bien sous tous rapports. Il semble bien plus épanouit une fois qu’il peut laisser libre court à son système de fonctionnement mathématiques, qu’il s’agisse de démêler des années des comptes ou dans le calcul visuel avant d’appuyer sur la détente de fusil à lunette. Le personnage est bon, l’acteur aussi et l’on se prend vite au jeu de savoir comment et pourquoi il en arrive à être ce qu’il est aujourd’hui.
Alors oui, à défaut d’être géniale, la réalisation de Gavin O’Connor se contente d’être efficace et lisible ( au contraire d’un certain Paul Greengrass avec ses Jason Bourne), la musique est juste accompagnatrice et ne reste pas en tête de scène en scène et la photo peu contrastée reflète elle-aussi un manque d’enjeux artistiques intéressants. Efficacité, point. Mais une efficacité sans vrais temps morts qui aura fait défaut à presque tous les films de l’été. Il rappelle en cela 10 Cloverfield Lane qui arrivait à créer de gros effets avec des moyens limités ( là encore, un film que l’on attendait pas et dont on attendait rien).
Jamais condescendant avec les troubles qu’il aborde, le film se paye le luxe de nous intéresser et de nous mettre dans les pompes d’un héros peu ordinaire et de tenter de nous faire comprendre comment il fonctionne. Et en cela il est humainement salutaire de le rappeler : ce que l’on comprend nous fait moins peur, nous met moins mal à laise vis-à-vis de personnes qui n’ont pas besoin de ressentir nos appréhensions sur leurs dos.
Pas révolutionnaire pour un sou mais bourré de qualités qui compensent aisément les défauts qui auraient pu être gênants. Vivement conseillé.
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