lundi 21 mars 2011

Le lac des cygnes

Après avoir été hué après la projection de son film "The Fountain" à la Mostra de Venise, Darren Aronofsky est pourtant devenu soudain le réalisateur adulé du moment quand est sorti " The wrestler". Son nouveau film, " Black Swan " croule sous les critiques élogieuses et son interprète principale,Natalie Portman a remporté un oscar pour son rôle ! Voila ce qui s'appelle faire la nique aux critiques professionnels qui n'avaient rien mais alors rien compris au magnifique et profondément bouleversant "The Fountain" !

Nina est danseuse. Appliqué au point de frôler la perfection, elle en oublie de vivre. Mais d'un tempérament fragile et effacé elle ne s'en rend pas compte. Quelques semaines avant le début de la saison, le chorégraphe Thomas Leroy décide de commencer celle-ci avec l'ultra rabâché "Lac des Cygnes " mais en revoyant la chorégraphie classique et en changeant donc d'interprète principale! À partir de là ,Nina n'a plus qu'un objectif: devenir la reine des cygnes. La descente aux enfers peut commencer.

En se concentrant énormément sur Nina et ce que son entourage lui fait subir, Aronofsky crée peu à peu une atmosphère pesante, sombre, limite glauque. Le film est construit pour aller en crescendo et les effets chocs ne manquant pas, ceux qui n'arrivent que vers la fin du film sont particulièrement éprouvants. Les nerfs et les émotions du spectateur seront donc mis à rudes épreuves, l'horreur étant très psychologique elle n'en est que plus puissante! Entre une mère castratrice mais énormément aimante, un patron qui est un vrai connard mais capable d'attention sincère, Nina ne navigue pas en terrain facile. Ajoutez à cela les privations et les dégâts physiques ( les os craquent,les ongles explosent,les séances de kiné font mal) que peuvent provoquer la dévotion totale à cet art qu'est la danse et on obtient un portrait peu reluisant de la vie de la jeune fille. L'arrivée d'une petite prodige un peu délurée,Lilly jouée par Mila Kunis, dans la troupe commence à plonger Nina dans la paranoïa,le délire hallucinatoire auto-destructeur et une lente progression vers le délire de persécution,rien que ça !

Natalie Portman mérite son Oscar. Rarement un personnage aura à ce point su exister et nous transmettre ses sentiments. On souffre avec elle,on aime avec elle on se révolte avec elle. Car c'est de ça qu'il s'agit ici : la révolte. De comment le cygne blanc qu'elle a été toute sa vie commence à découvrir à travers la folie le cygne noir qui sommeille en elle. Face à un Vincent Cassell, salopard génial et pourtant tellement humain, qui tente de la forcer à trouver ce cygne noir, Portman est magnifique. Elle aussi s'est dédié à son art en maigrissant et en se formant à la danse en un temps assez court. Un jeu de miroir pas anodin puisque le reflet que l'on a des choses et de soi-même (au niveau conscient et inconscient) se trouve être au cœur du film.

Tout comme le réalisateur adopte un profil bas en ne cherchant pas à en mettre plein la vue (sauf quand il le faut), le compositeur habituel de Aronofsky, Clint Mansell, a adapté son travail à la musique du "Lac des cygnes",fusionnant cet oeuvre et son travail à un niveau presque sub-atomique qui force le respect ! Une dévotion totale qui tend vers un seul objectif : fournir un film parfait. La perfection n'est pas de ce monde mais ceux qui tentent de vraiment l'atteindre non pour la gloire mais pour le geste valent la peine d'être respectés.

En brouillant les pistes du réel et de l'imaginaire issu de la folie de Nina, le réalisateur nous fait douter jusqu'au bout de l'issue du film qui apparait pourtant tellement logique. Surtout quand on sait que "The Wrestler "et "Black Swan" était au départ un seul et même projet. Dans "The Wrestler",le personnage de Mickey Rourke devait initialement tomber amoureux d'une ballerine. Et tandis que lui assiste à sa "résurrection ", la ballerine entame sa chute. Black Swan est le miroir de "The Wrestler" : un vieux moche bousillé par la vie se relève, une jeune et jolie jeune femme qui a la vie devant elle entame son inexorable déclin. Et il y a tant de niveaux de lecture au point de vue de l'histoire tout comme au point de vue cinématographique que je ne peux me lancer dans une analyse longue et complète sans trop en révéler sur ce film. Si vous aimez être bousculés, si vous aimez que le conformisme du cinéma américain s'efface de temps à autres pour vous étonner,si vous voulez être pris aux tripes ( et être mis mal à l'aise,mis à mal même parfois), alors foncez voir Black Swan. Un vrai plaisir que les cinéphiles vont aimer décortiquer et un putain de bon film ( que dis-je ? un chef-d'œuvre !!)pour les autres !

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