La
science-fiction est plurielle. Née on ne sait trop quand, je vais prendre le
risque de la remettre en contexte temporelle vers la moitié du XIXme siècle
avec la parution de Frankenstein de Mary Shelley (relisez ou revoyez les films,
ça ressemble à du fantastique mais ça n'en est absolument pas). Voila posée
"une" date de naissance. Hors un concept c'est comme un organisme :
ça évolue.
Étape par
étape, le genre s'est construit ou plutôt s'est fait construire par divers
auteurs. Citons H.G Wells bien entendu ( La machine à explorer le temps, L'île
du Dr. Moreau, La guerre des mondes, etc…) ou Jules Verne. Quel est le point
commun de leurs écrits les plus célèbres ? Ils appartiennent au genre dit de la
science-fiction. Et pourtant les thèmes abordés par chaque histoire ne
sauraient être plus différents: voyage dans le temps, invasion martienne,
voyage spatial vers la lune, exploration des fonds marins quand le sous-marin
n'était qu'une idée folle, etc…et de nos jours elle aborde les dérives de la
génétique, de l'über-capitalisme, de la guerre pour le contrôle du net (
relisez Neuromancien à ce sujet : un roman qui décrit la lutte pour le contrôle
d'internet, écrit en 1984 quand internet n'existait même pas ! ).
La science-fiction est plurielle, c'est une notion évidente de nos jours, tellement évidente et enracinée dans nos esprits qu'on ne prête même plus attention à ce fait. Mais cette pluralité s'est acquise sur la durée, il a fallu du temps et des ouvrages fondateurs pour en arriver là.
Le cycle de
Mars, d'Edgar Rice Burroughs est de ceux-là. Entamé en 1912, il allait inventer
le planet opera ( popularisé en 2009 par Avatar) et poser des bases pour une
quantité colossale de récits à venir ( Avatar donc, mais aussi Superman, Star
Wars). Pourtant, il n'a jamais été
adapté au cinéma ( ce n'est pas faute d'avoir essayé pourtant, depuis les
années 30 le projet est dans les tiroirs des studios). Voir "John Carter
" débarquer dans les salles, c'est voir un retour aux sources. Mais ce
retour aux sources va devoir payer un prix fort
car en arrivant après tous les films qu'il a inspirés, il risque bien de
souffrir d'un effet de comparaison inverse : pour le public, le copieur c'est
" John Carter " ! J'en veux pour preuve l'affluences de citations
tirées de divers journaux ( télévisés comme ceux de la presse écrite) qui
trouvent divertissant "ce film
inspiré de Star Wars et d'Avatar". Cruelle ironie quand, en 1976, George
Lucas déclarait vouloir faire avec Star Wars son " John Carter "( et
son "Flash Gordon", autre grande influence de Lucas). Que le public ne connaisse pas l'origine de
John Carter semble soudain logique quand les journalistes eux-mêmes sont des incapables
qui relaient de mauvaises informations.
John Carter
est un soldat ayant fait la guerre de sécession dans le camp Sudiste. Alors que
l'armée cherche à le réintégrer, lui ne rêve que de faire enregistrer sa mine
d'or et vivre loin de tout. Acculé dans une grotte, Carter va faire une
rencontre dangereuse qui va le conduire vers une planète éloignée, deux nations
en guerre, une princesse en péril et un tout un tas d'emmerdes ! Oui, j'avais
prévenu que ça avait bien servi d'influence !
Andrew Stanton,
le réalisateur, est une pointure de chez Pixar. On lui doit "Le monde de
Némo " et " Wall-e". Et
tout comme son collègue Brad Bird, parti réalisé Mission : Impossible – Ghost Protocol
, il a passé le cap de la réalisation live.
Moins à
l'aise que Bird ( le film est un brin moins fluide que celui de son collègue ), Stanton ne livre pourtant pas une
œuvre indigne, loin de là. Mais le propos reste désuet, un peu old fashion car
tentant de coller aussi bien à la modernité de notre époque qu'au texte
d'origine. Hors, de nos jours, j'ose l'affirmer, certains côté old fashion sont
vraiment cul-cul, particulièrement quand il s'agit de parler de sentiments (
amoureux, familiaux, etc…). Mais à bien y regarder, ces sentiments bien cul-cul
sont au maximum 4 et durent chacun maximum 30 secondes. Bref 2 minutes au total
sur 2h12 de film, ce n'est pas si terrible, mais ça peut vous faire sortir du film. Ce qui serait dommage
( mais le fautif c'est celui qui a laissé imprimé le scénario en l'état).
L'autre
inconvénient c'est l'ambiance de la planète : rocailleuse, poussiéreuse. Vu
tout ce que l'on sait sur Mars de nos jours, il est impossible de la
représenter comme on veut où de prendre des libertés quand le texte d'origine
le permet. Et un tel désert est fort peu attrayant pour l'œil. Pandora dans Avatar est bien
plus belle. Reste que les différents peuples et leur religion sont
intéressants. On distingue 3 races dans le film :les tharks ( martiens verts de
2m50 de haut possédant 6 membres ), les martiens rouges ( humanoïdes) et les
therns ( humanoïdes à la peau laiteuse et doté d'une technologie bien en avance
sur celle des martiens rouges). Les therns organisent à leur profit une guerre
entre deux factions de martiens rouges . Et lors d'une longue conversation,
leur but est exposé. Et il rappelle foutrement une situation bien connue et qui
a échappé aux regards de Disney qui ne l'aurait pas laissé passer si ça n'avait
pas été de la SF ( et donc imperméable à presque tous les patrons et exécutifs
des studios ). On a jamais vu un vilain comme ça au cinéma. Par contre dans la
vraie vie, il y en a plein en ce moment
! La SF est prophétique et révélatrice !
Du sable, du sable et encore du sable. Tatooine, la planète des Skywalker, à côté ressemble à...bah ça ressemble à rien autant de sable !
John Carter
est une grande fresque guerrière, romantique, philosophique sur la transformation
d'un homme égoïste en héros d'un peuple qui n'est pas le sien. C'est aussi un
sacré divertissement, certes conçu pour la jeunesse, mais qui mène son
spectateur durant 2h12 sans l'ennuyer. Un rythme plus soutenu que celui du
dernier Star Trek fait passer presque toutes les pilules ( y compris les
incohérences inhérentes à ce genre de divertissement) et ne masque pas les
idées de cinéma qui émaillent le film ( comme cette scène de bataille montée en
alterné avec une séquence bien plus intimiste. Le résultat est garanti 100%
couillu et efficace). Dommage que la musique de Michael Giacchino ( compositeur
de J.J Abrams, mais aussi de Brad Bird) n'atteigne pas les sommets de Star
Trek. Alors oui, on chipotera sur le fait que dans les romans, vu la chaleur sur Mars, presque tout le monde vit à poil ! Mais bon, je suis sûr qu'une parodie porno verra le jour et ne sera fidèle que sur ce point précis !
Allez, ne me dites pas que vous n'avez pas envie de la voir comme le roman la décrit...c'est à dire sans sa robe héhé ( oups, je suis passé en mode " pervers pépère " moi ).
Le design de production par contre est d'un haut niveau : les décors, les costumes, les véhicules...tout est beau ! Du travail d'orfèvre, mais pouvait-on vraiment en douter quand un as de Pixar est à barre ? On regrettera cependant que les martiens verts, race guerrière, ait un look si lisse.
Pour la
petite histoire, le film s'apprête sans doute à être un bide historique. Pas
par son manque de qualité mais bien par l'incompétence du service marketing de
Disney qui a salopé le travail. La responsable du département ( qui avait
réussi à vendre la saga Pirates des Caraïbes) n'aimait pas John Carter et l'a
bien montré…elle a été virée en février. Trop Tard pour rattraper le coup en
salle. La sortie DVD et Blu-ray offrira peut-être une seconde chance au film !
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