Akileos
réédite dans une série d’intégrales Queen & Country, saga d’espionnage
britannique écrite par…un américain !
Greg Rucka est un des nombreux
transfuges de l’industrie du roman vers celle des comics. Auteur de polars (
genre qu’il retrouvera souvent dans les comics : Gotham Central,
Daredevil, Punisher ), c’est pourtant avec une plongée dans le MI-6 qu’il va
vraiment se faire connaître.
La série
suit les pas de Tara Chace, alias Vigie Deux au sein du S.I.S, une section du
MI-6,l’agence d’espionnage et de renseignements de la perfide Albion. Chaque
arc narratif est dessiné par un artiste différent et ce premier volume comprend
trois arcs. Pour assurer une cohérence visuelle, c’est sur l’usage du noir et
blanc (sans niveau de gris ) qu’il faut compter.
Avant d’aborder
la chose, sachez que la série a été initiée en Mars 2001, soit avant les
attaques sur le WTC. Il ne faut donc pas s’étonner de voir que le Kosovo n’est
pas encore indépendant ni de lire une intrigue qui mène certains héros dans un
Afghanistan encore dominé par les talibans dans les premières histoires.
La série
débute alors que Tara Chace assassine un dangereux mafieux albanais au Kosovo .Cette
mission aurait pu très mal finir mais Tara arrive à rentrer au bercail, blessée
superficiellement à la jambe. Mais en chemin, elle a laissé une trace qui a
permis un acte terroriste de représailles sur le bâtiment du MI-6. Le chef de
section de Tara veut la peau des responsables. Mais seul le MI-5 (le
contre-espionnage) a le droit d’agir sur le sol anglais. Dés lors, ce qui avait
commencé comme une histoire de pure action se teinte de magouilles de bureau,
de luttes de pouvoir et de vieilles rancunes personnelles venant parasiter le
job des protagonistes.
Rucka est
très fort pour poser et explorer ses personnages principaux féminins. Cette
force se retrouvera dans d’autres de ses œuvres (même s’il aura trop souvent
tendance à transformer ses femmes fortes en lesbiennes dès Gotham Central,tendance confirmée par Batwoman.* ). C’est
moins le cas pour son casting masculin, hors Tara est entourée de mecs et très
peu de femmes. Autant dire que, même si les autres personnages auront un beau
fond de psychologie, c’est Tara qui sera privilégiée.
L’attrait
principal de la série est ce presque refus de l’action : si l’on voit bien
quelques bribes des missions, presque tout se joue dans les bureaux. Et l’on se
rend vite compte que c’est bien là qu’il fallait en effet poser les
personnages. Car au final, tout se décide et se déconstruit en interne ! On
est dans l’anti-James Bond en plein, Tara elle-même n’a droit qu’à deux scènes
sur le terrain (alors qu’elle est ce qui se rapproche le plus d’un agent double
zéro ) au long des 12 chapitres de ce volume.
Les dessins
de Steve Rolston pour la première partie sont bons mais un peu trop cartoon ,
cela désert dés lors l’ambiance mais l’homme a un bon sens du découpage, ce qui
compense. Brian Hurtt, sur la seconde partie se rapproche un peu plus d’un
dessin réaliste mais garde une approche du découpage un peu plus plan plan. Il
faut attendre Leandro Fernadez pour enfin avoir un dessin plus léché et un
découpage plus recherché, le tout accompagné d’un travail de recherche sur l’utilisation
du noir et blanc. Dommage qu’il soit parfois trop tenté par la caricature de
certains visages…
Au niveau éditorial, on peut compter quelques
bourdes de la part des éditions Akiléos. Rien de top grave mais quand même.
Ceux-ci annoncent que les couvertures
originales et les entêtes de chapitres sont de la main de Tim Sale. Cela est
vrai sur les 4 premiers chapitres que compte le recueil uniquement !
Ensuite, à deux reprises, le texte est légèrement en dehors des phylactères. Et
enfin, dans la dernière partie, quelques bulles sont blanches comme neige. Si l’on
peut penser qu’il s’agit d’un procédé pour signifier que le personnage ne sait
quoi répondre ou est choqué, il tout de même étrange de ne retrouver cela que
dans un seul chapitre plusieurs fois de suite alors que l’auteur n’a jamais usé
de ce procédé auparavant dans l’histoire.
Tim Sale signe les 4 premières couvertures de la série. Dommage qu'il ne soit pas l'auteur des planches intérieures...
Au final,
Queen & Country est addictive, bien écrite l’alternance des dessinateurs
peut réserver quelques surprises (ou pas). Vivement conseillée !
*non pas que cela soit un problème de représenter un personnage homosexuel, mais il semble trop souvent créer un amalgame entre femme forte et lesbienne, comme si ce trait de caractère en faisant des êtres en quêtes de chaire féminine et donc plus proche du héros d'action bourré de testostérone de base.
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