Véritable
arlésienne du cinéma, Lincoln débarque enfin sur nos écrans.
Projet nourri par
Steven Spielberg depuis 20 ans ( l’idée a commencé à la chatouiller pendant le
tournage de La Liste de Schindler, d’ailleurs, Liam Neeson devait interpréter
le président quand le projet était encore jeune ) , le film est-il à la hauteur
des attentes ?
Lincoln et
la fin de l’esclavagisme. Un sujet en or pour Spielberg car sujet profondément
humain. L’égalité humaine que l’on soit noir, blanc, juifs, etc…est un concept
que l’on retrouve souvent chez Spielberg. L’exemple le plus parlant et le plus
connu est bien entendu La liste de Schindler ( l’histoire folle d’un partisan
nazi qui sauvera des milliers de Juifs parce que pour lui il s’agissait de
sauver des hommes, des femmes , des enfants. ) mais se retrouve aussi là où on
ne l’attend pas ( pensez à Jurassic Park où tout le monde est égal face à un
raptor affamé, A.I où la population humaine n’existe plus à la fin du film, Il
faut sauver le soldat Ryan où , que l’on soit américain, allemand ,français,
l’on est tout confronté à l’absurdité du concept même de la guerre ). C’est ce
concept que Spielberg défend dans son film et non la réalité historique :
si la légende est plus belle que la vérité, imprimez la légende ! En évitant d'en faire un chasseur de vampires quand même, il y a des limites à ne pas franchir.
Et c’est ce
que Steven Spielberg va faire ! L’histoire du film ne retrace pas toute la
vie de Lincoln mais uniquement les derniers mois de sa vie. Comment il va
mettre fin à la Guerre de sécession et à l’esclavagisme dans le même temps.
C’est avant tout une bataille politique et le film tourne beaucoup autour de
cela (de la guerre, Spielberg ne montrera quasiment rien. Nous aurons juste les
échos qu’en ont les personnages à Washington ).
Durant 2H30
passionnantes, Spielberg va nous conter les magouilles, les coups tordus, les
appels au sentiment de noblesse qui seront nécessaire pour obtenir les voix
manquantes pour faire entrer un 13me amendement à la constitution des USA.C’est
le cœur du film et le cheval de guerre du Lincoln qui nous est présenté ici. Et
en parallèle, la vie privée de celui-ci.
Ce qui
frappe, c’est souvent cette image d’homme seul. Immobile ou en mouvement,
Spielberg film Daniel Day Lewis, épatant de justesse, comme une silhouette
perdue. Ses rapports avec sa femme et ses fils sont tantôt tendus tantôt
bienveillants ( comme dans chaque famille sans doute). Et le casting aide beaucoup :
Sally Field, enfin dans un rôle qui ne soit pas exaspérant ( j’avoue, je n’y
croyais plus depuis le temps ), Joseph Gordon-Levitt (petit chouchou de Chris
Nolan depuis Inception), toujours impeccable ,Tommy Lee Jones dans ce qu’il
fait de mieux c'est-à-dire les emmerdeurs bougons mais avec un bon fond,
etc…Notons aussi la présence de James Spader en chef d’une équipe de filous
prêts à tout pour obtenir les voix dont Lincoln a besoin. Leurs séquences sont
souvent teintées d’un brin de comédie, bouffée d’oxygène un brin cynique qui
permet au spectateur de reprendre son souffle dans ce marasme morose qu’est la
politique.
La
réalisation est très académique, certes. Mais le sujet ne se prête nullement aux
grands mouvements de caméra complexes. À la place Steven Spielberg porte un
soin tout particulier à la composition de ses plans, aidé en cela par son
directeur photo et la reconstitution minutieuse des costumes et des décors. Les
images ont du sens et sont cadrées pour en donner ! Tellement que l’artifice
habituel utilisé pour investir le spectateur émotionnellement n’existe presque
pas dans le film : la musique ! Et puis, à 80 ans, on peut bien donner
un peu de repos à ce brave John Williams, non ?
John Ford peut être fier, Spielby a bien retenu ce que le borgne lui a appris lors d'une entrevue brève mais intense entre lui-même et ce jeunot qui voulait devenir réalisateur !
On pourra
tergiverser à loisirs sur les inexactitudes historiques. Mais depuis longtemps
mon opinion est faite : le cinéma de fiction n’a pas vocation
documentaire. Au plus proche que l’on soit de la vérité, un film n’en reste pas
moins un reflet plus ou moins déformé selon l’envie du réalisateur ( Inglorious
Basterds en est un bon exemple ). Alors peut importe que le Lincoln de
Spielberg soit si préoccupés par le sort des noirs qu’il en devient une image d’Epinal
, le sujet n’était pas là !
Néanmoins,
sans doute à cause de son manque d’ampleur liée à l’évocation d’un épisode de la vie et non de la vie elle-même de
Lincoln et surtout du trop peu de zones grises explorées ( le point de vue des
Sudistes est à peine évoqué ), Lincoln reste un Spielberg mineur ( ce qui le
place déjà bien au dessus de la plupart des films actuels) mais fascinant et tellement bourrés de
qualités qu'il ne peut qu'emporter l'adhésion et , qui sait, remporter quelques Oscars bien mérités!
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